A l’occasion de l’ESWC qui se tenait à Bordeaux en juillet 2017, nous avons interviewé Julien Brochet, directeur commercial de l’ESWC.
Bonjour, pouvez-vous présenter votre rôle de directeur commercial chez ESWC ?
Je suis en charge de tous les événements et toutes les compétitions esport au sein du groupe Webedia.
Pourquoi avez-vous choisi la ville de Bordeaux pour cet évènement?
C’était pour faire la démonstration qu’on peut avoir des grands événements esport, qui touchent une nouvelle génération, qui se déroulent ailleurs qu’à Paris. C’était important, pour nous qui sommes à l’origine une société française, bien que nous faisons des évènements internationaux, on faisait quasiment tous nos événements en France et à Paris parce qu’on avait nos bureaux là-bas et qu’aujourd’hui la majorité de l’activité événementielle se fait à Paris. Mais on sait qu’on a du public partout en France puisqu’on est suivi par des millions de personnes à chaque fois sur les stream et on sait que ces personnes là ne sont pas uniquement des parisiens évidemment, ce sont aussi des étrangers et des personnes qui viennent de Province.
Et pour une fois, plutôt que de faire venir des gens à Paris on a voulu faire l’inverse et se déplacer. On voulait faire la démonstration qu’il y avait des communautés assez fortes dans ces villes-là, un bassin assez motivé pour faire un bel événement et on est content parce que c’est très réussi. Il y a une finale qui se déroule , l’amphithéâtre est rempli. On a eu déjà plus de 10000 visiteurs ce weekend.
Quand vous organisez un tel évènement, vous communiquez plutôt sur les réseaux sociaux puisque votre cible est plutôt jeune …
On avait mis en place une communication locale avec de l’affichage, des flyers. Evidemment, 95% du plan de communication aujourd’hui est digital. Il s’est fait aussi sur les assets Webedia, comme sur jeuxvideos.com, et Millenium qui est le site n°1 d’esport.
Pari réussi pour le première édition de l’@eswc_en Summer à @Bordeaux #ESWC #ESWCSummer @eswc https://t.co/kC2hJKDb9B
— webedia (@WebediaFR) 10 juillet 2017
Mais ça se fait avant tout par les réseaux sociaux via Twitter parce que lorsqu’on organise ou qu’on annonce un tournoi , les joueurs qui vont y participer sont souvent eux-mêmes des joueurs professionnels qui ont une base communautaire très forte qui va relayer l’info et tout ça crée une tentacule qui fait que ça va toucher énormément de personnes.
Comment mesurez-vous les retombées de l’événement aux niveaux médiatique et économique ?
C’est assez facile de mesurer les retombées parce qu’en étant diffusé sur internet ou via les réseaux sociaux on a des statistiques extrêmement précises. Quand on fait un tweet, Twitter nous dit quel est le reach, combien de personnes ça touche.
Lorsqu’on diffuse nos compétitions sur Twitch et sur YouTube ils vont nous dire exactement combien de vues ça a généré, combien de visiteurs uniques on a pu toucher, sur quels créneaux. Donc ça c’est assez facile. Pour tout ce qui touche la retombée médiatique on utilise les mêmes outils que tout le monde pour voir les retombées.
Par exemple le winter qu’on a fait en début d’année a généré plus de 16 millions de contacts via les retombées presse. Ce sont aujourd’hui des événements qui touchent énormément de gens directement ou indirectement.
Par rapport aux éditions précédentes, avez-vous vu une évolution du nombre de marques venant sur les stands, de demandes commerciales?
Tout à fait. Je ne vous cache pas que lorsqu’on faisait ça il y a plus de 10 ans c’était à nous de démarcher les marques une par une, déjà pour essayer de leur faire comprendre ce que l’on faisait. Aujourd’hui on se retrouve à être démarché directement soit par des marques soit par des agences qui justement cherchent à toucher cette nouvelle cible, les Millenials, extrêmement nombreuse et diffuse parce que digitale.Grace au esport on va réussir à aller les toucher .
Ce qui a beaucoup changé c’est que lorsque l’on faisait ça il y a 10 ans, les marques présentes étaient moins nombreuses et toutes issues de l’IT. Pendant très longtemps c’était Nvidia fournisseur de puces de cartes graphiques et aujourd’hui les plus grandes marques se positionnent, SFR par exemple. Il y a de plus en plus de marques hors secteur qui se positionnent. Il y a notamment les finales de Philips de FIFA. Ces grosses boites ont besoin de toucher cette génération.
Airbus a une problématique de recrutement, ils ont ouvert une campagne pour recruter 500 personnes. Toutes les grosses boites vous le diront aujourd’hui c’est difficile de recruter, c’est le gros paradoxe. A la fois il y a beaucoup de chômage mais c’est difficile de recruter car certains profils sont assez rares et venir sur ce genre d’événement est un moyen d’aller toucher leur cœur de cible .
Quel a été le déclic de la médiatisation de l’esport auprès du grand public?
Pour moi, il y en a un qui est très visible et qui je pense a vraiment été le déclencheur c’était en 2014 le rachat de Twitch par Amazon à 1 milliard de dollars. Pendant très longtemps les médias se sont intéressés à l’esport, quasiment à tous les ESWC on a eu les plus grandes TV qui venaient mais qui faisaient un reportage et qui traitaient ça comme si c’était un épiphénomène qui allait bientôt disparaître, que c’était un peu l’originalité du moment.
Le déclencheur c’était en 2014 le rachat de twitch par Amazon à 1 milliard de dollars
En 2014, quand le montant en millions de dollars est sorti, tout le monde s’est dit « Ah en fait il se passe vraiment quelque chose sur l’esport » parce que le fait de venir sur un événement, regarder les autres gens jouer aux jeux vidéos ça personne ne le comprenait par contre 1 milliard de dollar tout le monde le comprend. Ca a parlé à toute la presse économique qui l’a repris et du coup la presse généraliste l’a aussi repris et ça a créé un gros boom. Ca a attiré énormément de marques qui se sont dit qu’il y avait de l’audience et un phénomène qui se passe et qui est là pour durer et qu’ils avaient intérêt à se positionner dessus pour avoir la légitimité et la crédibilité pour que lorsque dans 5 à 10 ans ça rivalisera avec les plus grands sports, ils auront été là.
Y a-t-il des spécificités dans l’économie de l’esport par rapport au sport buisness?
On va retrouver les mêmes types de revenus, par contre c’est la balance entre chaque type de revenus qui n’est pas la même. On va avoir, comme le sport traditionnel, des revenus de sponsoring, des revenus de droit à l’image, de diffusion, de marketing, de billetterie.
Dans le sport traditionnel, ce qui finance majoritairement c’est le droit à l’image, les droits de diffusion TV. Aujourd’hui, bien que faisant de superbes audiences sur les événements, vu que c’est de la diffusion Internet, elle se rémunère très peu, donc c’est le sponsoring qui vient financer en grande majorité les événements, des opérations marketing qui viennent prendre l’autre partie et tout ce qui est diffusion, droit à l’image reste une toute petite part.
La billetterie est encore inférieure à tel point qu’aujourd’hui sur cet événement on s’est permis de faire un événement gratuit parce qu’on sait que ce n’est pas ça qui vient financer un événement.
Quelles seront les tendances du esport dans les prochaines années, selon vous?
Ca évolue très vite. A très long terme j’ai la sensation que l’esport et le sport vont converger. Dans un sens comme dans l’autre, peut être qu’à la fois la pratique de l’esport va évoluer. On le voit aujourd’hui avec le VR ou même avec des jeux comme Just Dance où il faut faire de l’effort physique.
Finalement tout ce qui manquait à l’esport, l’effort physique, commence à arriver donc va vraiment s’approcher des sports traditionnels. Et à l’inverse dans le sport traditionnel on est à la recherche permanente de plus de sécurité. Plutôt que de pratiquer le sport dehors et prendre le risque de se blesser on va le pratiquer à l’intérieur, dans un lieu virtuel. Par exemple quelqu’un qui pratique l’escalade pourrait très bien avoir la réalité virtuelle pour s’entraîner chez lui. Donc à terme les deux vont finir par se rencontrer.
A très long terme j’ai la sensation que l’esport et le sport vont converger
Il y a des coureurs cyclistes qui ont besoin de s’entraîner toute l’année, sauf que lorsqu’il pleut ou quand on a moins le temps, c’est plus difficile de sortir et donc il y a des technologies qui permettent de faire du vélo en appartement qui sont reliées à son smartphone et à sa TV et on affronte d’autres personnes qui sont en train de s’entraîner dans leur appartement et qui vont faire la simulation de la course.
Et ça c’est du esport: via un jeu vidéo vous affrontez d’autres personnes. Les gens qui pratiquent ça ne s’entraînent pas dans une vision de l’esport mais de sport parce qu’ils s’entraînent pour un futur événement sportif. Pendant 6 mois ils vont donc pratiquer du esport. Il y a un vrai lien déjà aujourd’hui. Imaginons dans 20, 50, 100 ans peut-être que le e devant le esport disparaîtra.