A l’occasion de l’ESWC Bordeaux nous avons rencontré Mathieu Fichot, un blogueur bordelais spécialiste de l’esport. Il évoque avec nous son parcours dans le milieu des esportifs, l’avenir de la pratique et l’intérêt des entreprises à investir dans l’esport. Entretien.
Bonjour Mathieu, peux-tu présenter ton parcours dans le monde de l’esport?
Au départ je suis technicien informatique. J’aime bien les jeux vidéos. J’ai découvert l’esport il y a 5 ans. L’ingénieur avec qui je travaillais regardait Starcraft 2 et c’est comme ça que j’ai découvert les replay de Pomf & Thud. J’ai fait une reconversion professionnelle. J’ai découvert le tout premier Meltdown où j’allais régulièrement. C’était un tout petit bar esport à côté de République à Paris. Le bar a muté et a connu un franc succès.
Je suis parti en Suède par la suite. J’ai continué à m’intéresser à l’esport. Je me suis pris d’amour pour HearthStone. J’étais dans une team à l’époque, FDK Fils de Korhal. On a commencé à animer une émission toutes les semaines, Decking Bad, sur HearthStone. Je suis devenu rédacteur pour des sites. J’ai souhaité intégrer O’Gaming en tant qu’animateur. C’était en 2014. J’étais également manager de team esport pour la partie jeux de cartes chez FDK. J’ai ensuite intégré la web TV d’O’Gaming avec à l’époque Lorgard à la tête de la web TV. On m’avait demandé de trouver du contenu compétitif à diffuser. La gestion des retransmissions des compétitions se fait via des accords à l’amiable. Je me suis fait de nombreux contacts (managers de team etc…).
Je suis aussi devenu en 2015 manager de la team HearthStone de chez Method, une équipe surtout connue pour World of Warcraft. Je n’avais pas de salaire et le budget était limité. Je me suis beaucoup consacré jusqu’à juillet 2016 à la diffusion de contenus compétitifs. On a aussi fait un tournoi, Road to Titans, où j’avais eu l’idée de faire s’affronter 4 joueurs français face à 4 internationaux. J’étais admin du tournoi. On a également diffusé un tournoi où la récompense était une Ferrari pour les joueurs Chinois.
J’ai donné des cours d’esport
J’ai lancé mon blog en 2015. J’ai mis l’aspect esport professionnel en suspend pendant quelques mois puis j’ai donné des cours d’esport à AMOS Bordeaux. Upsala.fr est ensuite devenu esport1.fr car j’avais besoin de régularité et de fournir du contenu de qualité avec un minimum de 1000 mots.
Comment enseigne-ton l’esport ?
Sachant que les étudiants d’AMOS avaient déjà des connaissances en sport business, l’idée était de dresser un portrait de ce qu’est l’esport et de savoir comment, à partir de connaissances en sport business, on peut adapter ses compétences à l’esport pour faire un lien entre les deux.
Peut-on vraiment enseigner l’esport ? https://t.co/N0IJ7WtjG0
— Uppsala #AvecLe6 (@IAmUppsala) 15 juillet 2017
L’esport crée de nouveaux métiers dans le sport business…
Oui, il y a de nouveaux métiers avec l’esport. Je pense notamment à streameur et tout ce qui touche à l’univers du jeu vidéo. Ce qui est très particulier dans l’esport, ce sont les éditeurs. Les éditeurs possèdent les jeux. Personne ne possède le football ou le rugby.
Il y a de nouveaux métiers avec l’esport
Dans le sport traditionnel n’importe qui peut faire un tournoi de tennis sans demander à personne. L’éditeur fait ce qu’il veut avec son produit. Il faut donc faire en sorte d’être en bons termes avec l’éditeur.
Si on compare le sport traditionnel et l’esport, y a-t-il d’autres spécificités à prendre en compte?
C’est un petit monde. Il y a une croissance à 2 chiffres mais il y a encore pas mal de choses à améliorer, de choses à structurer. C’est un monde jeune. Du point de vue matériel c’est très différent. On est sur du matériel informatique. On ne vend pas le même type de prestations. On a besoin d’une bonne connexion internet.
Sport ou esport ? Terrain glissant – https://t.co/97xe3AHmiR via @IAmUppsala pic.twitter.com/Lmlf2n8MJg
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Y a-t-il des compétences spécifiques à avoir pour travailler dans l’esport, être community manager dans l’esport?
Il faut bien connaître le milieu. L’esport est un petit monde. Les gens se connaissent facilement et sont généralement assez réticents à l’arrivée d’acteurs extérieurs qui n’y connaissent rien. Il y a une blague qu’on répète assez souvent mais qui traduit bien la pensée : « Tu es qui dans l’esport? ».
L’esport est un petit monde
Les acteurs de l’esport sont frileux envers ceux qui veulent se lancer dans l’esport mais n’y connaissent rien.
L’arrivée des clubs de football de Ligue 1 a-t-elle été un déclic à la médiatisation de l’esport en France ?
Je pense que cela a été un marqueur fort. Le PSG est arrivé dans l’esport en 2016. Avant cela il y avait des clubs sportifs américains en NBA qui s’étaient investis dans l’esport. Ca a été un signe que l’esport dépasse les frontières des simples clubs qu’on connait, Fnatic, CLG, Cloud Nine, des grandes marques qui résonnent.
Fnatic c’est quand même une des plus grosses marques de l’esport. A côté de cela, la marque est inconnue hors esport. Quand un acteur extérieur comme le PSG investit et recrute des joueurs de League of Legends et joueurs FIFA, c’est géré par Webedia. On se dit quand même qu’il y a quelque chose qui dépasse les frontières de l’esport.
Il y a aussi de plus en plus de marques « grand public » qui se lancent dans l’esport. Pourquoi cet engouement ?
Pour SFR par exemple c’est logique puisque c’est un fournisseur d’accès à Internet. Nespresso, Philips etc… ce sont des marques non endémiques. Ce sont des marques qui ne sont pas initialement dans l’écosystème. Les marques non endémiques voient qu’il y a un moyen de toucher des publics jeunes, d’utiliser les nouvelles technologies. Il correspondent beaucoup à leur cœur de cible qui est connecté, il y a un potentiel.
Quand on ne connaît pas l’esport on ne peut pas s’approprier ses codes comme ça
Ils se disent qu’ils doivent investir dans l’esport. L’esport a des codes qui sont issus d’internet, du troll. Je pense notamment à Twitch sur lequel des tas de mèmes sont nés de l’utilisation de chat et d’emots spams. Il y a une culture née de Twitch liée à l’esport. Quand on ne connaît pas l’esport on ne peut pas s’approprier ses codes comme ça. C’est une culture née d’Internet, du troll, des jeux vidéos.
Pour toi, quel est l’avenir de l’esport d’ici 2020?
L’ouverture à plus de grands comptes. C’est comme cela que ça va grandir. L’esport a une certaine portée en lui-même mais à un moment il va falloir des acteurs de l’extérieur pour grandir. L’inclusion d’acteurs plus grands, tout en respectant les codes de l’esport, va faire qu’on va atteindre des records. Pour l’instant on est en transition, en mutation.
Qui dit plus de vues dit plus de potentiel d’espaces publicitaires monétisables
Ca donne des frictions. Mais d’ici 2020 je pense qu’on va atteindre les 500 000 viewers sur des finales de LCS. De 2014 à 2017 on n’a pas tant augmenté le nombre de viewers. On met de plus en plus d’argent dans les compétitions mais le nombre de viewers n’augmente pas. Or on se base sur ce nombre de vues pour les publicités. Qui dit plus de vues dit plus de potentiel d’espaces publicitaires monétisables.
Quel est le statut des joueurs actuellement ?
L’ année dernière, Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée au numérique, avait mandaté Rudy Salles et Jérôme Durain, qui devaient étudier l’esport pour répondre aux problématiques du milieu. Les joueurs n’avaient pas de statut. Ils ont inclus une partie esport dans un texte de loi qui a été voté » la loi pour une république numérique » promulgué récemment. Il y a la mise en place d’un statut réel pour les joueurs d’esport mais aussi un statut pour les compétitions qui n’étaient jusque là pas régulées.
Un grand merci à Mathieu d’avoir accepté de répondre à nos questions et de nous avoir guidé dans le monde de l’esport à l’ESWC! Vous pouvez aussi suivre ce passionné d’esport sur son compte Twitter.